Julie Nioche #2
Cette fois-ci, imaginez-vous dans un lieu qui ressemblerait à un cloître, un jardin carré blotti près d'une nef.
C'est le soir. La nuit finit de tomber.
A la place du lavabo, ce joli édifice qui servait aux moines à se laver avant de passer au réfectoire, un haut cylindre d'eau. Nous attendons. La nuit est douce et noire. Les gens se taisent. Silence.
Au bout d'un long, long moment, un froufrou nous fait émerger de nos rêveries.
Une silhouette vêtue d'une robe blanche à ruchers jusqu'aux chevilles se déplace lentement vers le cylindre. Échelle. La robe grimpe. Son crissement la suit. La robe est en haut. Perchée sur le rebord du cylindre. Assise. Plus d'échelle.
Là commence la danse de la robe et l'eau.
D'abord elle tourne sur ce rebord que l'on devine mince, comme une grosse meringue qui ne saurait pas où se placer. Elle pourrait tomber même. Va-t-elle tomber ?
Toujours ces équilibres hasardeux avec Julie, ces postures que l'on croit maladroites, qui mettent à mal notre besoin des choses qui tiennent bien droites ou sinon...
Sinon, et bien la robe trempe dans l'eau, et elle commence à lâcher sa matière blanche. Cela fait un petit nuage, puis deux, six, davantage. Ça se répand, ça flotte telles des méduses. Beaucoup de méduses au milieu desquelles un corps bientôt vient flotter aussi. D'abord retenu par les derniers ruchers blancs de la robe, qui à leur tour se dissolvent dans l'eau. Et le corps de la danseuse s'enfonce dans cette laitance, l'écarte à gestes doux, s'étire , se déploie ou se regroupe ; remonte à la surface prendre son bol d'air ; redescend et s'anime autrement, joue, glisse, tourne en un ballet lent et rêveur. Se donne à voir de tous côtés.
Jusqu'à ce que la voix de Brigitte Bardot vienne nous surprendre. Je danse donc je suis. Là, Julie danse aussi dans son cylindre d'eau. Le corps s'anime furieusement, les muscles saillent, les cuisses s'arque boutent, la silhouette se trémousse. Séquence musclée. Puis tout s'apaise quand Bardot se tait. On revient à la poésie initiale, lente énergie dans la nuit avec pour seul point de lumière le cylindre plein d'une eau portante.
Échelle.
Julie descend.
On a du mal à émerger.
Ensuite, Hélène et moi sommes allées prendre un verre à la terrasse de la Comédie.
C'était bien aussi.
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