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Compote aux épices
8 novembre 2010

Le temps mauvais, le temps joli...

Ça y est, c’est le premier vrai jour triste.

Le vent joue du violon sous les fenêtres, il éparpille les feuilles rouges de la vigne en les faisant danser brutalement une dernière fois sur leur longue tige, il rabat la pluie sur les carreaux en autant de pointes d’aiguille. Le ciel est gris et la vigne pourpre ne peut plus lui donner le change…

DSC08044 entre hier et aujourd'hui...      DSC08084









On n’a pas envie de sortir .

Et je prépare, à petit régime, une escapade à Paris.


Je n’ai pas pu écrire dans ce blog pendant tout ce temps.

Il me manquait la flamme du blog. Je l’avais transposée dans la vie et je n’arrivais pas à faire deux choses à la fois : vivre intensément ou méditer et écrire.

Je vais aujourd’hui procéder par petites touches timides et incertaines. Je ne sais pas bien.

 

En Octobre, j’ai opéré une merveilleuse sortie vers la Suisse. Il s’y déroulait deux expositions majeures et j’avais envie de ne pas louper ce coche-là.


Donc nous voilà d’abord à Lausanne, à l’Hermitage, pour faire la rencontre de Monsieur Hopper.

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Il avait, et de loin, ma préférence. Je voulais voir, à toucher, ses peintures énigmatiques, pleines d’un vide intrigant et inspirant.

J’ai été servie. J’ai adoré cela, cette subtilité dans le clair-obscur ou la lumière, DSC07371


ces cadrages photographiques,  ces personnages tourmentés, en butte aux difficultés des situations.

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Avec des visages un peu ratés, pas souvent beaux mais ô combien parlants !


Il y avait certaines premières œuvres du séjour de Hopper à Paris.

Il y avait des dessins, des aquarelles.

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Et surtout, pour certaines œuvres définitives, il y avait, les entourant, les esquisses préliminaires. Où l’on s’aperçoit que Hopper capte absolument tous les détails d’une scène et au fur à mesure des études, il en enlève, jusqu’à dépouiller la scène jusqu’à l’os.

On nous offrait là toute la démarche du travail et de la conception jusqu’à l’intention finale, très affirmée.

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J’étais avec des amies et nos impressions divergeaient en deux sens : les unes étaient prises d’une sorte de malaise, d’angoisse devant une telle volonté de vide ou de vérité toute crue, d’autres, dont moi, trouvaient cela reposant, tranquille, enfin un truc qui se dit tout net, sans chichis ni faux-semblants.

Tout le travail est en amont, il ne reste sur la toile que l’essentiel, ce que Hopper veut dire, montrer. Je trouve vraiment cela très fortiche. C’est HOPPER quoi !

 

Dire aussi que les aquarelles, maisons gaies de banlieue chic ou paysages industriels, portuaires, étaient plus vibrantes, plus animées que les peintures à l’huile.

Cela tient il me semble à la matière. Même les peintures première période des ponts de Paris sont aussi plus animées, plus vivantes : la peinture à l’huile y est encore très fraîche, très luisante, comme l’eau dans l’aquarelle allège la touche, la fait danser. Plus tard, Hopper utilise une peinture qui donne des à-plats beaucoup plus mats, plus sourds. Le résultat fait en effet peser comme une ombre sur ce qu’on regarde alors (sa tristesse ? sa désillusion ?), même s’il y a beaucoup de blanc ou beaucoup de lumière, de couleur dans le tableau…C’est étrange, au fond.

 

Enfin, une vidéo mettait, entre autre, en évidence l’écho qu’il y eu entre Hopper et les cinéastes. C’est assez confondant parfois.

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Ceci est une film : "Un Homme est passé"





L’autre exposition à Martigny regroupait des œuvres de Nicolas de Staël. J’y allais pour voir mais sans plus. Ces juxtapositions abstraites de couleurs vives ne m’avaient jamais enchantée. Et le nom de cet artiste était lié à un souvenir pénible d’une précédente vie à Genève.

Bon, mais quand même, Staël ! et puis on a le droit de se laisser surprendre et de changer d’impression. C’est ma spécialité ça. Détester, puis adorer, des années plus tard… Le temps que ça fasse son lent chemin en moi.

Ce fut le coup de foudre ! 

D’abord il vaut toujours mieux voir les choses en vraies. C’est une évidence mais on l’oublie parfois tellement on est nourri d’images à domicile.

Et puis, en plus de la touche, de la progression du travail (là aussi il y avait des œuvres du début), l’exposition était ponctuée de lettres de Nicolas de Staël qui nous rendaient la compréhension de l'oeuvre plus aisée. Quelle belle écriture ! Lire ces lettres au milieu de ces toiles incandescentes : plaisir ineffable, débordant, jubilation pure.

J’ai volé à la sauvette avec mon petit appareil numérique des fragments de couleurs, de cette pâte travaillée à plusieurs couches, des bouts de matière.


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Le résultat n’est pas le même de près et de loin. L’œuvre se transforme au fur et à mesure qu’on prend du champ. Il y a une révélation de près et une révélation de loin.

Voilà, je suis devenue fan de N. de Staël et d’ailleurs je me suis découvert les mêmes inclinations que lui : Velasquez et l’architecture arabo-andalouse.

Un aveu toutefois : j’aime moins quand son trait se fait plus explicite. Je le trouve sublime dans l’extrême stylisation : ça me va mieux.

 

Par ailleurs, cette exposition, j’y avais été en un sens préparée parce que j’avais assisté, à Manosque, à une conférence tronquée à propos de l’amitié entre René Char et Nicolas de Staël et je m’étais procuré le livre de leur échange de lettres.

Pourquoi tronquée ? parce que, à cause de la grève dans les Chemins de Fer, les filles de ces deux hommes n’avaient pu être présentes pour témoigner de leur amitié .

Mais à Martigny on nous ménageait une part de biographie et nous avons compris alors que la vie de ce peintre a eu sa part de tourments, de difficultés affectives et s’est achevée sur une impossibilité à y faire face. (c’est moi qui parle)

 

Voir Edward Hopper a été une confirmation et un plaisir intense, voir Nicolas de Staël a été une révélation, une découverte a posteriori.

 

Ceci était ce que j’ai appelé au début, procéder par petites touches timides… Et bien, on va dire que je me suis lachée…

 

Voici pour finir une dernière photo, au grain trouble, mais que j’aime beaucoup.

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La suite au prochain numéro, mes amis.



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Commentaires
S
Merci de vos encouragements.<br /> Ça fait du bien et aussi de se lâcher.<br /> J'ai encore plein de trucs en réserve :la Fiac, Paris, Les autres blog à qui je veux rendre hommage, etc<br /> Et puis, toutes ces petites pensées, impressions au jour le jour qui glissent un peu de poésie dans nos vies.
A
Oui, tu t'es lâchée, et c'est bien agréable ! Merci de ce partage, c'est super quand on n'y a pas été :)
M
Une chose qu'on ne saura jamais: qu'elle aurait étè l'évolution de Staël. Je cherche, il avait déjà tout dit, est-ce un grand vide qui l'attendait au tournant? Frustrée de ne pas avoir de suite après une telle magie de la couleur. Je l'ai rencontré en 1955 au salon des indépendants au Trocadero , Il exposait ses 3 poires qui m'ont laissé un gout de foutaise, comme quoi !!!! Hopper, fantastique dans ses solitudes. C'est bien la retraite, tu es une des rares personne à aimer ça. Tu en profites pour te promener + qu'avant.Sympa de nous faire gouter un peu de tes escapades.
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