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Compote aux épices
1 septembre 2011

rêve accompli

 

Aller “là-bas” était un rêve vieux de 25 ans au moins !

On se demande parfois ce qu’il faut de patience, d’illusion, de foi, de désir profond, pour que les rêves restent accrochés à nos consciences tels des amibes et attendent l’opportunité qui les verra se réaliser.

Mais cette machine-là est fantasque aussi et instable.

Passons à l’action : vous raconter mon rêve ou plutôt comment je l’ai réalisé.

Très simplement si l’on veut, il suffisait d’y aller justement.

Où ça ? Dans l’île des Monts Déserts. Dans l’état du Maine contigu au Canada, donc au nord-est des Etats-Unis, plus au nord que les grands lacs en latitude.

                                                DSC09510

C’est une île un peu comme une patate fendue presque en deux par un « fjord ». D’un côté les côtes, les plages de coquillages  et les petits  ports ainsi que les fameux monts déserts, de l’autre les forêts, les lacs et encore des côtes.

Au milieu ou au bord de tout cela quelques villages, mais surtout des cottages cachés au milieu des arbres, annoncés par un arrangement étudié de fleurs, de massifs taillés.

Pourquoi m’imposer 700 à 800 km de route en Greyhound et en voiture de location pour aller là-bas ?

Pour voir enfin de mes yeux le lieu où vivait Marguerite Yourcenar.Palper l’énigme de ce lieu, de ce choix de bout du monde, la réalité tangible de ce lieu, la confrontation entre ce que j’en imaginais et la réalité.

Ce lieu, cette maison, s’appelle Petite Plaisance. Elle l’a acquis avec son amie Grace Frick en 1950 c’est-à-dire avant la parution des Mémoires d’Hadrien et y a vécu depuis lors. Des journalistes littéraires sont venus l’y interviewer, lui parler, la photographier discrètement.

                                       DSC09426

L’une de ces confrontations, avec Matthieu Galey, qui a duré plusieurs années, a donné naissance à un livre remarquable Les yeux ouverts, qui pourtant n’a pas plu à Marguerite Yourcenar car elle s’y est sentie piégée, dénudée et pas vraiment interrogée sur ses vraies préoccupations. Mais passons. Moi, j’adore cet ouvrage, il m’enseigne à regarder autrement le monde.

Donc, me voici à mon tour à Petite Plaisance !

Vous dire que j’en suis toute émue est peu dire. Vous dire que je suis débordante de curiosité est aussi en deçà de la réalité.

Vais-je être comblée ? Au delà de mon imagination. C’est simple, j’ai eu l’impression que cette grande dame habitait toujours là, s’était juste absentée pour nous permettre élégamment d’entrer dans son intimité. Et je me suis assise dans ses fauteuils, et sur sa chaise de cuisine et encore un peu je lui préparais une ratatouille pour son retour tellement l’illusion de sa présence était grande.

Elle nous a permis de consulter ses classeurs d’iconographies, chacun dédié à une œuvre ou un personnage, de l’imaginer travaillant à sa table en face de Grace Frick, de prendre son thé quotidien face à la cheminée, de se promener dans le sous bois.

La maison n’est pas immense, toute blanche, une treille de vigne l’individualise des autres cottages. Elle est environnée d’une pelouse remarquablement tondue, sur laquelle sont implantés quelques arbres fruitiers. Du côté de la véranda toutefois, Marguerite Yourcenar a décidé de laisser ce gazon en friche de façon à ce que les herbes naturelles et naturellement fécondes en graines de toutes sortes soient un refuge pour les oiseaux : elle les verra évoluer de la fenêtre de son bureau qu’elle appelle le studio de fait, car il est jouxté d’une salle de bain.

Un petit potager, sous forme de petits lots de terre arrondis, anime l’arrière de la maison et, tout au fond, un vrai bois avec son sous-bois très moussu et parcouru d’étroits chemins qui mènent tous à quelque endroit précis.

Dedans, cela ressemble un peu à Monks House (la maison de Virginia et Leonard Woolf), une de ces maisons de gens créatifs, pleine à la fois de surprises, de fantaisie, d’originalité, et le théâtre de quelques volontés affirmées, comme toutes ces grandes gravures de Piranèse que Marguerite Yourcenar a recherchées longuement chez les antiquaires.

En même temps ce n’est pas une maison hyper cossue et qui voudrait, comme on dit en bon français, péter plus haut que son cul. C’est surtout le confort et l’utilité qui sont mis en avant.

qmunis de plaids, de châles en laine et de lampes pour lire, des meubles qui sont les réceptacles de la vaisselle, de l’argenterie  et des multiples souvenirs qui ont tous un sens particulier, et des étagères, à peu près partout où il est possible d’en caser, pour ranger les livres. Chaque bibliothèque ayant un thème précis. (7000 livres en tout)

Cela donne un intérieur à la fois cosy et assez chargé. Vivant aussi et accueillant.

Je m’en tiendrai là pour ne pas alourdir le portrait.

Ce fut une visite (nous étions 6 pèlerins) agréable, vivante, animée, riche en rebondissements, conduite par Joan Howard, une des gardiennes de la mémoire de Madame.

Je la conseille vivement à tous. Certes, c’est un peu loin, mais c’est un lieu réellement habité.

Par ailleurs, Marguerite Yourcenar a prévu une suite testamentaire : si cette maison n’intéresse plus personne, il faudra alors la vendre et utiliser les fonds au profit du WWF et de la réserve d’oiseaux du Zwin.

 

Avant cela, vite un tour aux Monts Déserts, à Petite Plaisance, vous ne le regretterez pas, croyez-moi.

 

PS : deux albums ; et le guichet des renseignements est ouvert 24/7 sur ce blog même, il suffit de cliquer sur commentaire et de poser sa question... Comme d'hab'

 

 

 

 

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Commentaires
C
De Paul morand je conseille le très beau MILADY
S
I was not fishing for compliments, just trying to be sincere.<br /> Il était très difficile pour moi d'écrire ce texte car cet épisode contenait trop d'affects et j'avais peur d'être un peu lourde, insistante, lyrique hors de propos. De fait, je me suis lancée après Boston, moins bien réussi à mon goût, mais qui, chronologiquement , a été vécu après.<br /> Allez sur les traces de Marguerite Yourcenar était une sorte de pèlerinage intime.<br /> Tu me fais connaître Paul Morand et Ella Maillart : tu peux être sûr qu'à mon retour je me jette sur eux. Si tu as des titres à proposer, vas-y.<br /> Moi, j'avais lu "un barbare en Asie" de Henri Michaux et l'avais beaucoup apprécié.<br /> Merci pour ton soutien.<br /> Affectueusement.<br /> Sister A-M
P
très bien par l'écrit et on te ressent comme si on t'écoutait. Tu es parfaitement transparente dans tous ces petits "mémos". C'est bien toi, pas de doute, je t'entends !!! Pourquoi ne pas en faire un carnet ? Je me souviens de celui que tu m'avais confectionné et offert lors de ton retour de Russie (ça devait être encore lURSS à l'époque). C'est toujours agréable de lire des choses sensibles et sensées et belles, alors que beaucoup par opportunisme ou désir d'originalité se vautrent dans le sordide et le galimatias. Continue à nous enchanter, je te lis toujours avec plaisir, et tes photos viennent joliment compléter ta prose. Tu as le côté poli, cultivé et curieux de Paul Morand tandis que d'un autre côté ta soif d'horizons nouveaux évoque la passion d'Ella Maillart pour la rencontre avec l'inconnu.
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