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Compote aux épices
16 avril 2011

Les bas de la fiancée #3

Lundi 28 mars 2011

Reprise de la rééducation. Ça oblige. C’est bien. C. est un jeune kinésithérapeute agréable et ferme qui rassure quant à la bonne marche de mes muscles. Il connaît son affaire, sait pousser le bouchon en douceur. Très attentif aussi et observateur au millimètre près.

Hier et avant-hier furent des jours de visites. Très sympathiques. En même temps, quand on sait qu’on aura de la visite, on se met en attente et c’est terrible. Il semble que la visite ne vienne jamais assez tôt.

Bon, enfin là, Bernard est venu accompagné de macarons des meilleurs, et nous sommes allés rire sous les arbres.

Alexandre et Catherine sont venus aussi : charmants et naturels. Bonne ballade sous les arbres itou. Bon, enfin, ce qui est pour moi une véritable randonnée, n’est autre qu’une sorte de tour du propriétaire. Mais enfin, comme je l’avais déjà faite à deux heures et que je l’ai refaite ensuite avec Nelson, Hélène et Héloïse qui finissait par être saoule de plein air et d’herbe, cela m’a fait mon comptant d’exercice. Aussi aujourd’hui, je ne suis pas pressée de renouveler le parcours.

Et puis j’ai dans l’idée d’écrire une petite nouvelle frissonante, inspirée par les lieux, alors il faut que je m’y mette.

Allons y.

 

Mardi 29 mars 2011

 

Rien de particulier.

Levée du pied gauche, puis dissipation des brumes matinales plus tard.

Les exercices peuvent revêtir une certaine intensité musculaire.

Massage avec de l’huile d’arnica.

J’observe toujours avec acuité mon entourage. Parfois grosse rigolade à propos de personnages hauts en couleur.

 

Chantal puis Monique m’ont appelée. Tout bonheur.

Chantal a obtenu de très bonnes réponses pour la mise en route de l’édition d’un dictionnaire consacré aux Marx Brothers. Signatures de Gilles Jacob, de Patrice Leconte et d’autres possibilités en vue. Elle en est très heureuse et moi aussi pour elle.

 

Le tricot avance : dos presque achevé.

Hélène a fait ce qu’il fallait à la banque. Évidemment il y a toujours quelque chose qui coince : il fallait apporter l’ancienne carte pour qu’elle soit détruite, sinon je continue de payer son abonnement. Or c’est moi qui l’ai !

Rien à voir avec l’ancien directeur qui me faisait des facilités, des gestes commerciaux très appréciables. Il faudra que je change d’interlocuteur parce qu’actuellement, ma conseillère est une vraie peau de vache qui ne me passe rien, jamais. Je la déteste. Aucun arrangement possible, aucune compréhension des situations, rien.

Bon, j’arrête là, je me remets à la nouvelle.

 

Jeudi 31 mars 2011

 

Douche. Douche bonheur, comme celle de samedi.

J’ai pu laver ma jambe jusqu’en bas en l’appuyant sur une chaise en plastique orange.

Le pied, non. Je l’ai vaguement frotté avec l’autre pied, mais entre les doigts de pied, c’est pas encore ça.

Rééducation, en particulier du muscle du devant de la cuisse. Ça fait mal, c’est impossible sans une aide. Aujourd’hui c’était assez fatigant. Ensuite, je marchais comme une tortue, sans volonté.  

 

Me voilà devant la Palourde. Dans l’intervalle, en passant dans le couloir j’ai fait des photos des fauteuils vides et des deux beaux sacs de linge sale rayés bleu et blanc, comme des sacs de marin.

 

                                     DSC08536

J’ai fait un certain nombre de photos depuis mon arrivée ici. Des photos selon mon habitude, vide de personnages, reflétant la solitude, l’abandon, le délaissement, la négligence. Comme, par exemple, les papiers de bonbons et de friandises qui traînent le long du grillage qui borde la forêt. Ces papiers ont souvent des couleurs voyantes ou chatoyantes qui me plaisent beaucoup. Mais je ne suis pas sûre que mon appareil rende ces couleurs irisées, très artificielles. Nous verrons.

DSC08490             DSC08497

 

 

 

 

 

                                                     DSC08521

Hélène doit venir ce matin. Cela me fait plaisir. Et aussi j’aurai un pyjama propre. Mais cela me fait vraiment plaisir. C’est vrai que j’ai beau essayer de me suffire à moi-même, de socialiser un peu ici, de me nourrir de ce qui passe, à un moment, l’affection reste en berne, on ressent le manque. Je le regrette beaucoup. Je n’aime pas me sentir l’obligée. Mais c’est ainsi. Sachons être humain en toute simplicité.

Hier soir, j’ai lu mon roman fort tard. Je n’arrivais pas à le lâcher. Et même quand je l’ai posé, je n’étais pas prête à fermer les yeux. Je les ai donc gardés ouverts sur la nuit, avec mes muscaris en découpage sur l’ombre et je ne me souviens plus où mon esprit est allé se perdre.

 

Je suis montée aussi au centre d’animation et j’ai commencé à confectionner un nichoir pour mettre contre ma fenêtre. Et je sais quelle fenêtre. Celle de la bibliothèque tout en haut. Je l’accrocherai au volet que je ne ferme jamais.

À plus. J’ai des SMS à envoyer.

 

Vendredi 1er AVRIL 2011

 

J’ai décoré C., le kinésithérapeute, de l’ordre de la grenouille ce matin. (Derrière l’étiquette du thé Lipton yellow, il y a une grenouille…J’ai utilisé cela comme décoration).

Mélange de fatigue et d’envie d’aller de l’avant.

Des exercices difficiles. Y’a rien à faire, faut en venir à bout de ce muscle qui dit non, qui ne  veut pas tenir tout seul…Mais, bon sang, que c’est dur.

 

J’ai le droit de passer le week end chez moi. Je ne sais pas trop si ça me fait plaisir ou si ça me fait peur de retrouver mon environnement pour le quitter à nouveau ? Il faudra que je prépare mes valises pour demain ; j’ai l’intention de rapatrier à la maison des affaires  qui ne me sont pas utiles.

Je viens de nettoyer les fleurs fanées : j’ai distribué des pétales tout au long de mon parcours, c’était joli et poétique.

Il reste une belle rose blanche, bien droite, sans trace de vieillissement. Magnifique. Elle me donne l’exemple. Il y a un temps pour tout, même pour se faner.

Hier, Begnina et Stéphane sont venus me voir, cela m’a fait très plaisir. Y’a pas à dire, mais ça distrait de ce petit moulin qui tourne dans nos têtes.

Hélène était venue déjeuner avec moi, ce qui m’a aussi enchantée. Avec elle, c’est un mélange d’anecdotes sur Héloïse, notre amour d’enfant, qui nous enchante tous, et les petits principes pédagogiques qu’on discute, et puis de sujets plus généralistes. Elle me parlait hier de ce fameux débat sur la laïcité….Ça a fait long feu entre nous.

J’aime bien ma fille Hélène. Et elle est si précieuse par ces temps de dépendance.

L’autre fille, ma petite dernière, m’envoie des signes réconfortants via Hélène. Je sais aussi qu’elle est avec moi. C’est drôlement encourageant toutes ces pensées qui viennent de toutes parts. Ça aide à tenir. Ça aide à progresser. Ça donne un sens à tout ça. Et ça marche mieux que quand je suis chez moi, toute seule , et que je tourne un peu en rond, faut bien le dire.

D’ailleurs, j’avais dit au début que je pensais que peu de monde viendrait me voir, je me suis trompée et c’est tant mieux pour moi.

Ce week-end, cela va me faire tout drôle de retrouver ma maison, mon lit, l’ordinateur qui m’attend dans le silence de la bibliothèque. Les laines pour tricoter, mon petit coin à écriture face à la trouée Proud’hon. Et mes plantes sur les fenêtres, que je vais arroser d’abondance et à qui je vais parler pour qu’elles sachent que je reviens bientôt m’occuper d’elles, les regarder pousser, fleurir, me donner leur parfum d’herbes à couper pour parfumer mes préparations culinaires.

Il y aura sûrement des chants d’oiseaux et aussi, la nuit, le vacarme des fêtards saoulés et hurlants dans la rue.

Je lâche la Palourde, la dame du ménage arrive, elle aime bien qu’on décampe de la chambre. Je vais aller tricoter au soleil. C’est bien aussi.

 

Promenade agréable.

La marche devient une véritable méditation. Je me demande si je me suis déjà concentrée à ce point-là. Essayer déjà de comprendre ce que C. veut me dire quand il me dit que je n’appuie pas de la même façon d’un côté et de l’autre et qu’il faut à tout prix que je rééquilibre pour ne pas avoir une marche claudicante. Et puis, mettre en pratique. Ça veut dire, me concentrer sur l’implantation de mon pied gauche dans le sol et faire en sorte que celle de mon pied droit lui ressemble en tout point. Dit comme cela, on dirait un jeu d’enfant : un pas = un autre pas. Et bien non. Je dois suivre tout le déroulé de mon pas : talon, bord et plante qui s’écrasent, puis attaque des orteils, leur fléchissement exact, jusqu’au point final que dessine le gros orteil au sol, comme pour aller à la ligne. Et je dois ajouter une attention supplémentaire

Pour faire en sorte que le poids du corps se répartisse de la même façon qu’à gauche. Vraiment, c’est une véritable méditation, fixée sur un seul objet, mes pieds et leur marche en avant.

Ce n’est pas tant un combat du corps, qu’un combat de l’attention. Nos esprits ont l’habitude de papillonner sans arrêt d’un sujet à l’autre, ils sont même un peu conçus pour ça ; nous sommes  sollicités par mille et un détails auxquels nous devons apporter une réponse adéquate, à cela se surajoute notre propre cheminement intérieur, notre corpus de réflexion.  Notre gestuelle n’est qu’un ensemble de réflexes innés  auxquels nous ne réfléchissons jamais. Se mettre tout d’un coup à se focaliser dessus pour lui redonner son caractère réflexe, c’est-à-dire « irréfléchi », c’est une discipline austère qui implique tout l’être. Tout d’un coup, on se voue corps et âme à réapprendre à marcher.

Je peux dire ce que je pense ? C’est très ennuyeux…

N’importe, je m’y efforce et je prends ça comme un exercice de méditation (ça fait trois fois que je le dis).

Ensuite, j’arrive dans un lieu délicieux, vers les pins et les cèdres, ayant traversé des semis de violettes et de pâquerettes dans l’herbe et la mousse claire et moelleuse, et je m’assieds sur un banc de la maison de retraite d’à côté.

J’ai fait un beau dessin  d’un pin. Puis je me suis mise à tricoter. Un rang à l’endroit, un rang à l’envers. Je les note pour faire les diminutions au bon moment.

Le matin,  la maison de retraite est plus animée. J’ai regretté de ne pas avoir mon appareil photo : à un moment donné, sous le passage couvert, il y avait une kyrielle de petites vieilles dames qui se rendaient je ne sais où, à la suite, qui avec une canne, qui en fauteuil roulant. Deux se sont arrêtées un moment. Dialogue partiellement entendu :

- …

- mais vous dites toujours la même chose !

-     

-      C’est un bel âge, vous savez !

-      Oui, je me répète ! … Vous croyez ?

-      Mais oui, ça ne sert à rien de se sentir vieille, tant qu’on ne l’est pas.

-      Bon, bon.

Ceci se déroulait entre têtes chenues d’au moins  90 ans. C’était à la fois attendrissant et stupéfiant.

Question : c’est quand alors qu’on est vieux ? Mais peut-être que ce mot va sortir du vocabulaire. Être vieux est sans doute un état d’être, une façon de se ressentir, de se projeter dans la vie, mais il y a bien un moment où ça vous gagne, où la lassitude doit empeser chacun de vos gestes, où les projets se font rares puis disparaissent, où il ne reste plus qu’un petit chant d’oiseau pour vous réjouir le matin et le sourire d’un arrière petit enfant dont vous ne vous souvenez plus du prénom…

Je sens tellement ces choses-là, je m’y vois tellement et depuis si longtemps, comme si j’avais des ressouvenances d’une vie précédente… Ça n’a aucun caractère morbide pour moi, c’est le cheminement attendu, consenti, normal. On a tellement accumulé de souvenirs alors !

                                   DSC08527

Et puis les petites dames un peu penchées ont filé, je suis restée sur mon banc et un  vent soyeux est passé à travers la ramure du pin à côté de moi. Et là, alors oui, c’est une vraie tristesse, infinie, immémorielle, qui m’a étreinte. Quand le vent traverse ainsi les aiguilles du pin, qu’il joue sur cette lyre grave, multi-cordes,  sur une note unique, il semblerait qu’il nous parle de chagrins très anciens, enracinés depuis la nuit des temps dans nos âmes, de sombres heures sans recours, et c’est à donner le frisson, à couper toute envie de sourire. C’est terrible, ça pèse d’un poids faramineux sur nos consciences, le vent dans les pins, on ne s’en relève pas, il faut fuir. Ce que j’ai fait. Retraversant à plaisir l’engeance printanière et légère. Et puis je voulais noter tout cela.

Mais en reparlant du son lugubre du vent dans les pins (et les sapins ?) je me demande si c’est personnel comme sensation (ce que je ne crois pas), si c’est culturel et dans ce cas si un Japonais (il y a beaucoup de pins au Japon) ou un habitant de la forêt amazonienne ressent la même chose ?

 

Mes muscaris, sur la fenêtre, sont magnifiques. Petits chapeaux pointus violets, formés de multiples gouttelettes serrées les unes contre les autres. Et puis, peu à peu, ils se fanent par le bas, ces minuscules pétales en forme de perle blanchissent puis tombent.

Mais on n’en est pas là.

Bonsoir.

 

Dimanche 3 avril 2011

 

Me voici de retour pour une dernière semaine de rééducation fonctionnelle comme il est dit.

Les oiseaux chantent leur prière du soir dans la pinède avec une allégresse communicative.

Il est un peu plus de 7 heures du soir, le dîner a eu lieu ! La soirée s’étale devant nous, claire, vide.

J’ai passé un week end tout à fait délicieux à la maison, entourée des enfants, retrouvant mes marques. Myriem est venue me voir aussi. Elle était pressée, mais a eu le temps de me raconter plein de choses intéressantes comme l’œuvre de Stanley Kubrik (dont je ne suis pas une fan à tous crins) dont elle a vu l’exposition à la cinémathèque.

Quand je suis rentrée chez moi la première chose qui m’a sauté aux narines c’est l’odeur. Ça sentait l’olive verte et je n’en ai pas été très contente ; je me suis empressée d’ouvrir tout pour créer un courant d’air. La deuxième chose : j’ai trouvé mon décor beaucoup trop encombré, fait d’une multitude de choses accumulées et j’ai pensé qu’il fallait que ça change. Même si ma réaction était provoquée par le contraste avec le dépouillement d’une chambre fonctionnelle, ce que mon œil a capté c’est comme un manque de cohérence. Comme si j’avais perdu le chic pour créer un environnement à la fois accueillant et assez joli. D’abord il faudra que j’enlève tout ce qui est en trop : certaines chaises, des boîtes de rangement qui traînent là, au lieu d’être au grenier, la machine à coudre sur la table, enfin tout ce petit bazar adventice  qui pénalise l’œil, crée un inconfort, une sensation qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien. De même sur ma cheminée, ce que j’y ai mis ne va pas. Bon, enfin il faudra que je revisite les lieux. Que je les dépouille, les harmonise, les rende plus lisibles. Organisation.

Il faut juste que je me dise que Paris ne s’est pas fait en un jour parce que je vois bien que dans ma tête, tout se fera dans la semaine qui suit mon retour, ça et tant d’autres choses que je me demande comment je vais tout caser. D’autant que si je continue à marcher du pas de sénateur qui est devenu le mien, ce sera plus laborieux.

La pendule Napoléon III s’est arrêtée de carillonner, je n’ai pas eu le temps de la remonter. J’ai arrosé les plantes comme prévu et ça leur a fait du bien. Il y a beaucoup de fraises en préparation, des fleurs et déjà l’embryon de fruits. Par contre mon petit camélia me fait du souci : je n’arrive pas à savoir s’il vit ou s’il est en carton-pâte. C’est le genre de plante un peu raide, immobile, qui donne très peu de signes de vie ; ça me met mal à l’aise, je ne sais pas comment réagir. A-t-il assez d’eau, pas assez, trop de soleil ? Pas de réponse .

J’ai flingué le romarin. Une plante si rustique, comment m’y suis-je prise ?  Mais les euphorbes sont sublimement printanières et la petite armoise ressemble à un duvet de bébé. La menthe n’en peut plus de repousser et la sauge repart bravement après un hiver qui lui a coûté. Le persil nous refait coucou ainsi que les anémones d’automne.

Tout ce petit monde attend mes soins et mon attention. Je les adore.

Mais revoir la jolie Héloïse a été une pure joie. Il me semble qu’elle m’a retrouvée après un certain temps d’indifférence. Elle me sollicite à nouveau, elle veut bien faire des choses avec moi, me demande à monter sur mes genoux pour regarder le cd des chansons enfantines, et accepte si je la laisse pour aller parler à sa mère. Alors là, elle se met à jouer toute seule, je la vois se pencher longuement sur une chose ou l’autre, elle fait son petit trafic et puis dans ma chambre, elle a des tocs : elle demande à voir les poupées folkloriques une par une, puis celle en plastique rose qui fait pouët-pouët, et aujourd’hui, nouveau, la petite armoire où j’ai rangé les boîtes de son épicerie.

Cette gosse est délicieuse, délicieusement tyrannique avec son père, gourmande, bonne mangeuse, petite buveuse, attentive et espiègle avec son petit regard très vivant, très charmeur. Je suis une grand- mère ravie.

Nous avons parlé avec Hélène de l’imminence de son opération du dos. Après moi, ce sera elle, il suffit qu’elle se décide. Je sens que c’est une décision difficile à prendre. Mais elle a de plus en plus mal. Je me demande même comment elle supporte ça. C’est autrement douloureux, ce nerf coincé, qu’une arthrose ! Je ne vais pas la lâcher maintenant. Il faut qu’elle organise ça.

Pour parler de tout à fait autre chose, j’ai ramené d’autres réjouissances pour passer ma semaine sans trop de mal. D’abord des chaussons à tricoter. Ensuite, comme lecture la compilation du Consortium pour me raviver la mémoire à propos de l’art contemporain. Mais j’ai l’impression que les lignes ont encore beaucoup bougé ces dernières années en ces matières. Et puis Les Essais de Montaigne traduits en français moderne. Mon amie Danièle me l’avait préconisé. À moi de voir maintenant.

Je m’arrête. D’ailleurs les oiseaux aussi ont cessé leurs notes claires.

Je vais me coucher.

Bise à l’œil.

 

Lundi 4 avril 2011

 

Dans cette vie d’assiduités minuscules de l’établissement de rééducation, il me faut relever le plus petit changement si je veux croire que le monde n’est pas immobile : que les chatons des arbres se sont légèrement modifiés, de duveteux qu’ils étaient les voilà plus vifs, plus colorés, avec un petit air plus gaillard, que le chant des oiseaux le matin se fait plus multiple, plus insistant, que mon pot de muscaris accède à une maturité triomphante.

Mais les gueules cassées de la chambre des tortures (le lieu où les kinés passent leur journée à nous relever de notre misère immobile) ce matin m’ont laissée indifférente. Je les connais maintenant, comme si je les avais dessinées sous toutes les coutures et je voudrais du nouveau.

Je ne suis pas une personne de l’approfondissement, ce n’est pas ma nature. J’aime les premières apparitions que je bois avidement, avec gourmandise, en longues goulées à la fois amples et détaillées. Après c’est fini, je me détourne et j’ai besoin de passer à autre chose. Il est rare qu’un lieu, une œuvre suscite en moi le retour. Quelques-uns toutefois comme Fathépur Sikrit en Inde. Mais maintenant, avec toutes ces années qui ont passé sur ma vision sublimée, je me demande ce que j’aimerais revoir là-bas ? Je préfère aller vers d’autres lieux, jamais vus encore, et dont je suis à peu près sûre qu’ils m’apporteront cet éblouissement, ce contentement, qui se graveront longuement quelque part dans ma boîte à diapos intérieure.

Je dois aller à la piscine, il me faut me préparer. À plus.

 

Pas trop de prolongation : j’ai un peu mal au dos et besoin de m’allonger.

La journée a donné son comptant d’exercices et j’ai….64 ans !

Michèle de Grignan m’a appelée. Et Marcelle de Toulon : bonheur.

Et nous avons eu une lecture des derniers chapitres de La première gorgée de bière de Philippe Delerm. C’est très curieux l’impression que me laisse cette écriture. Tout y est très bien, c’est exactement ça, on ne pourrait pas mieux dire. Mais justement, il y a ce goût de méticulosité, de perfection qui m’écoeure un peu, qui me fait penser que je n’en reprendrai pas…

Adios pour la nuit et à demain.

 

Mardi 5 avril 2011

 

De petits détails : j’ai bien nagé, j’ai bien marché et je sors en principe vendredi après-midi.

Je crains que les petites pensées qui font ma journée ne suffisent à écrire sur ce journal.

C’est là qu’on se rend compte combien la radio est source de multiples entrées qui nourrissent la réflexion et le savoir. L’oriente aussi bien sûr.

J’ai commencé à m’intéresser aux Essais de Monsieur de Montaigne.

Il me semble que l’avis aux lecteurs nous l’avions appris par cœur quand nous étions en classe. Il m’est très familier et je l’aime énormément.

Ensuite le livre est divisé en trois parties, chacune comprenant une multitude de chapitres dont les titres disent tout à fait de quoi il est traité. Si bien que l’on peut naviguer à sa guise, ce me semble, et selon l’humeur. J’ai commencé à lire le chapitre sur la tristesse. Philosophie gaillarde, très sûre d’elle, émaillée d’exemples, un peu péremptoire.

A poursuivre, je vais sûrement changer d’avis et nuancer mon propos.

Ah oui ! je voulais dire ceci aussi : écrire me prend du temps, même si ma pensée est claire, déjà construite ; même si, comme ici, je n’y mets aucune prétention et donc il n’y a pas une recherche particulière dans l‘énoncé. Même ainsi, écrire me demande d’y consacrer une part de la journée. Je me demande alors comment font certains écrivains pour se donner cette fonction et avoir aussi une activité professionnelle, être père et mari, Don Juan au besoin par là-dessus, marcheur, maraudeur de la terre ! Pour moi c’est tout simplement impensable. Bon, d’accord, je suis une petite joueuse. C’est dit.

Je me quitte.

Pour quoi faire ? Finir de tricoter le petit chausson pour entamer le second. Vert jade . Laine.

                                                  DSC08555

 

 

                                                                                                            (à suivre...)

 

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Commentaires
G
proposition : bloguer plus souvent, plus bref, surtout que le format du journal s'y prete. <br /> C'est un peu comme une gourmandise, distillée à petites doses, on la goute mieux. <br /> Et puis, un peu plus cyniquement (c'est le marketeur qui parle), j'ai remarqué que plus on en montre moins le public s'attarde : publie une photo, tout le monde la regarde et s'en souvient, publie un album complet et les gens se disent "je le regarderai demain".<br /> En lisant, mille commentaires me sont venus, mais maintenant je ne sais meme plus lequel choisir, sans parler de ceux que j'ai oubliés.<br /> Ah oui, celui de la méditation. Un exercice qu'à première vue j'écarterais à priori de MES expériences de vie. "Je n'ai déjà pas le temps, si en plus il faut que je m'arrete pour méditer... !". Mais la lecture d'un livre sur le sujet de la masturbation mentale m'a convaincu que la méditation est très utile pour penser... MIEUX ! Une espèce de lavage de cerveau : faire le vide pour reprendre à zéro chaque fois. Bon je n'en suis pas encore là (malheureusement). Mais tes exercices de concentration sur la jambe, le pied, m'ont fait penser à cela. Et en effet, l'auteur de mon livre conseillait cette méthode pour s'approcher de la méditation : se concentrer sur une partie du corps et l'écouter. Pour faire le vide. Pour repartir à neuf. Pour regarder le monde avec de nouveaux yeux, des yeux purs. Une vraie torture pour ce cerveau économe qui ne veut pas refaire sans arret tout le travail de penser, mais au contraire se complait à étiqueter pour aller plus vite droit au but, à forger des idées et des préjugés pour éviter de tout re-penser à chaque fois, qui aime revenir sur les memes sujets, les memes idées car celà "coute" moins. Heureusement il reste la créativité (qui siège aussi dans le cerveau, oui oui je sais) et... la méditation !
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